La CGN navigue, le Canton nage
Par contraste – c’est ce qui est déprimant – les cantons faisaient piètre figure, le Canton de Vaud particulièrement. La République et Canton de Genève n’a pas non plus de quoi pavoiser, après avoir demandé un audit aussi épuisant et coûteux qu’inutile et en s’accrochant à l’idée saugrenue d’une scission de la Société en deux personnes morales, l’une en charge du transport, l’autre vouée à la flotte historique. Mais notre Canton est le plus décevant, lui qui est la collectivité publique de référence pour la navigation lémanique.
L’Etat de Vaud temporise sur l’octroi d’un crédit destiné à la rénovation du Vevey, du Ville-de-Genève et d’une partie du chantier naval. Il semble se demander s’il s’agit d’une «charge nouvelle» au sens du droit financier vaudois, ce qui impliquerait qu’il s’assure des moyens de la couvrir; la question juridique est controversée et nous ne nous prononcerons pas ici; mais on est en droit de s’étonner qu’elle ne soit pas résolue deux ans au moins après la formulation du projet. De plus, pour trouver d’éventuelles économies compensatoires (dont la nécessité n’est pas avérée), les têtes pensantes de l’Etat n’ont rien trouvé de mieux que de rallumer la querelle entre le Canton et les communes par la perspective annoncée d’un transfert de charges… En outre, l’augmentation de l’inévitable couverture de l’excédent des charges d’exploitation reste l’objet de difficiles négociations. Enfin, le Département des infrastructures paraît acquis à l’idée saugrenue d’une scission de la Compagnie, dont un avis de deux excellents avocats vient pourtant de montrer l’ineptie; probablement que cette fantaisie technocratique n’a d’autre but que de noyer le poisson, si l’on peut dire, pour masquer l’absence d’une vraie politique.
Car il faut bien le constater: dans cette affaire, l’Etat de Vaud, et particulièrement M. Marthaler et son département, manquent singulièrement de clarté de vue et de sens de l’action. Il est à la remorque des événements. Il somnole des années durant et, lorsqu’il s’éveille un peu, c’est pour créer la pagaille à l’égard des communes. Du principal responsable de ce dossier – comme pour d’autres projets où son inertie était notoire – on peut dire, pour user d’une terminologie nautique, que c’est un corps mort.
Aux dernières nouvelles, l’Etat annonce, non pas des décisions – vous n’y songez pas! – mais une table ronde pour la fin de l’été. Pendant ce temps, les mois passent. La flotte s’appauvrit. Sans le Vevey, utilisé aussi comme bateau-école, certaines formations sont compromises. L’horaire de 2011 sera réduit. A offre diminuée, perte de passagers. On s’est engagé dans un cercle vicieux. Ose-t-on espérer que la roue tourne et que naisse une aube nouvelle?
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- La taille critique de Mme Chan – Editorial, Olivier Delacrétaz
- Gnädige Frau – Elisabeth Laufer
- † Madame Monique de Gautard – Jean-Pierre Tuscher
- Délibération, pensement et conclusion – Alexandre Bonnard
- Tolérance ou passivité? – Revue de presse, Philippe Ramelet
- La leçon des Bleus – Revue de presse, Ernest Jomini
- L'Europe de la revendication – Pierre-Gabriel Bieri
- La Chouette – Benoît Meister
- Guisan à Durban – Jean-Jacques Langendorf
- Un mal qui n’ose pas dire son nom – On nous écrit, Michel Huguenin
- Quand les jaunes battent les blancs – Le Coin du Ronchon