Revue de presse
Les oies du Capitole de Rome étaient glorifiées pour avoir sauvé la cité en avertissant les Romains de l’invasion gauloise. Les oies du Capitole moderne se sont laissé enfermer dans un piège grossier où elles risquent de laisser leurs plumes. Elles ne nous en adressent pas moins elles aussi une sérieuse mise en garde.
Donald Trump est un homme d’un autre temps. Inviter ses partisans à Washington le jour de l’intronisation de son concurrent aura été la plus grave erreur de sa présidence. Le but était d’obtenir un désaveu du collège électoral. Des sénateurs républicains s’étaient engagés à contester la légitimité de certains grands électeurs sur la base des fraudes électorales avérées. Pendant des semaines, des équipes d’enquêteurs et d’avocats avaient rassemblé des preuves assez spectaculaires. Il y avait peu de chances que cette contestation retourne l’issue du vote. Elle pouvait en revanche sérieusement délégitimer la nouvelle administration.
Elle n’aura jamais lieu. Le Capitole a été envahi juste au bon moment. Le temple de la démocratie américaine a été occupé avec une facilité déconcertante. La vague populaire y a déferlé comme une ruée de manants dans le château de la Belle au bois dormant, les yeux écarquillés et le selfie en mode rafale. Elle ne s’imaginait même pas à quoi son incursion allait servir. […] En convoquant un tel barnum dans la capitale, l’équipe de Trump devait savoir qu’elle n’était pas la seule à préparer cette journée. L’adversaire s’y préparait aussi. Pendant que les premiers raisonnaient en idéologues — volonté populaire, justice, Constitution, etc. — les seconds pensaient en technologues, n’ayant de meilleures armes pour défendre l’intronisation d’un vieillard sénile et corrompu. Ils ne pouvaient mobiliser des masses, mais ils avaient le dispositif de narration qui permet d’effacer les masses. Il était absolument nécessaire que l’élan trumpien soit neutralisé et retourné contre lui-même. Mission accomplie.
Le 6 janvier est-il donc un coup monté? Peut-être, mais pourquoi chercher si loin? Le piège médiatique était déjà en place depuis quatre ans. Il fallait juste laisser faire. Les oies en colère n’ont besoin de personne pour saccager un parterre de fleurs. Il suffit qu’on les laisse entrer.
Slobodan Despot, Antipresse 267, 10 janvier 2021
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Trois référendums contre le mariage pour tous – Editorial, Olivier Delacrétaz
- Retour à Crêt-Bérard – Lionel Hort
- Le Davel de nos artistes – Jean-François Cavin
- Pierre Marc Burnand: un humour rayonnant – Jean-Philippe Chenaux
- Occident express 73 – David Laufer
- Mme Luisier et ses «structures de proximité» – Félicien Monnier
- † Henri Mamin – Daniel Laufer
- Ils ont foutu le camp – Jacques Perrin
- Qui ose encore douter du changement médiatique? – Le Coin du Ronchon