Notre neutralité

Sans surprise, la presse annonce en quinze lignes que «la Suisse applique le 13^e paquet de sanctions» adopté par l’Union européenne contre la Russie (24 heures, 2-3 mars). En deux ans, on a pu mesurer les effets de cette version moderne du blocus: mise en difficulté des économies européennes, basculement des intérêts russes vers d’autres pays et, en ce qui nous concerne, décrédibilisation de notre traditionnelle politique de neutralité et de bons offices: on se rappelle le cuisant camouflet infligé à Ignazio Cassis par Sergueï Lavrov il y a un mois à New-York.

Une infographie diffusée par le site Sputnik (22 février) recense le nombre de sanctions imposées à la Russie depuis deux ans. En tête, les Etats-Unis bien sûr, inspirateurs de cette politique avec 3503 mesures; en deuxième position, la Suisse affiche un zèle délirant avec 2377 mesures, loin devant l’Union européenne, qui se contente d’une cinquième place (1837 sanctions), derrière le Canada et le Royaume-Uni. Notre médaille d’argent récompense une politique étrangère partisane de très dévoué, très fidèle & très obéissant serviteur.

Sur la page adjacente, une dépêche laconique de l’AFP nous informe que le Grand Turc, dans un geste d’éblouissante magnanimité, a offert un strapontin à notre piteux ministre des affaires étrangères au forum diplomatique d’Antalya. Selon ce communiqué, un des buts de cette rencontre est de tenter de réunir Moscou et Kiev. Il y a quelques années, cette louable initiative aurait eu lieu tout naturellement à Genève. Mais comme notre neutralité est bradée au profit d’autres intérêts et d’absurdes passions, il ne faut pas s’étonner de voir notre représentant réduit au rôle de figurant au sud de la Turquie, au lieu d’être un acteur majeur au bout du lac.