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Voyage dans les archives cantonales

Colin Schmutz
La Nation n° 2248 8 mars 2024

En décembre dernier paraissait Trésors des Archives cantonales vaudoises aux éditions Château & Attinger1. Son auteur, Gilbert Coutaz, est archiviste et historien.

L’ouvrage présente cent nonante-neuf documents choisis parmi les pièces les plus précieuses des Archives cantonales vaudoises (ACV), institution que M. Coutaz a dirigée pendant vingt-quatre ans. On y découvre, par exemple, un plan de Lausanne datant du XVIIe siècle, de vieilles affiches politiques, des procès-verbaux de procédures intentées pour sorcellerie (1438-1528) ou encore de vieux missels qui ont survécu à l’occupation bernoise. On y trouve aussi le faux «testament» de la reine Berthe commis par les moines de Payerne pour tenter, en vain, de s’octroyer le droit de choisir eux-mêmes leur abbé. Parmi d’autres curiosités, on mentionnera une histoire mythologique du Pays de Vaud, rédigée entre 1550 et 1560 et qui débute par la généalogie d’Hercule…

Outre ces illustrations, toute une partie du livre s’emploie à mettre en relation l’histoire du Pays avec celle de ses archives. Celle-ci est rythmée par les avancées techniques et les bouleversements politiques depuis mille ans.

En comparaison avec d’autres régions de Suisse, les archives vaudoises peuvent se prévaloir d’une grande richesse documentaire, tant en matière de quantité que d’ancienneté. Si le premier écrit original conservé, un acte de donation, remonte à l’an 9702, c’est à partir du XIIIe siècle que l’usage de l’écrit va commencer à devenir systématique au sein des administrations des deux principales entités qui avaient autorité sur le Pays de Vaud à l’époque: l’Evêché de Lausanne et la Maison de Savoie. Deux cents ans avant l’invention de l’imprimerie, l’administration savoyarde et ses notaires imposent progressivement leur rigueur dans un territoire encore largement habitué au droit coutumier. Il s’agit, la plupart du temps, de régler les possessions. On produit donc des actes, une comptabilité, des inventaires et des reconnaissances foncières.

Une deuxième rupture survient dans l’histoire des archives lors de l’invasion bernoise de 1536 et du changement confessionnel induit. Les Bernois souhaitent «exclure toute trace documentaire d’une foi jugée révolue et vouée aux gémonies» 3. Heureusement, les archives n’ont pas été complètement éliminées. Certaines d’entre elles furent dispersées hors du territoire vaudois. A ce titre, on peut notamment mentionner le dernier évêque de Lausanne, Sébastien de Montfalcon, qui emporta une partie des documents épiscopaux dans son exil. Quant aux archives restées sur place, elles seront conservées, pour une bonne part, par la nouvelle administration: «Les Bernois, légalistes, ont besoin de preuves pour imposer leur domination, la conquête d’une terre ne s’achevant qu’après la récupération des titres.» 4

A l’indépendance, en 1798, les archives furent transmises sans grands tumultes aux nouvelles autorités du Canton du Léman, mais l’abolition des droits féodaux, six ans après, faillit entraîner la destruction de nombreux documents, à une époque où l’importance des archives résidait dans leurs seules valeurs juridique et administrative. Ce n’est que plus tard, sous la pression des historiens, qu’on leur attribua une valeur patrimoniale et que fut nommé, en 1837, le premier archiviste cantonal: M. Pierre-Antoine Baron.

Dans ce nouvel ouvrage, M. Gilbert Coutaz raconte l’histoire des frontières vaudoises et de ses divisions territoriales à la lumière des anciennes cartes. Il s’intéresse également à l’histoire matérielle des archives, du parchemin au clavier, en passant par le papier et le microfilm. On y découvre, par exemple, le rôle joué par l’Eglise mormone dans la numérisation des registres de reconnaissance des ACV5. Un chapitre est aussi consacré à la structure administrative des autorités successives depuis le XIIIe siècle et un autre aux inventaires d’archives et à leurs ancêtres les cartulaires. Dans sa conclusion, M. Coutaz rappelle le rôle de l’archiviste à l’heure de la numérisation, des potentiels dangers et occasions qu’elle comporte et la responsabilité de celui-ci dans la préservation de la mémoire d’un peuple.

Cette nouvelle publication, qui nous replonge dans mille ans d’histoire vaudoise, pourra intéresser tous ceux qui seraient tentés par une visite guidée dans les archives sous l’expertise d’un grand spécialiste.

Notes:

1   Gilbert Coutaz, Trésors des Archives cantonales vaudoises, Editions Château & Attinger, Orbe 2023, 231 p., fr. 65.–.

2  Coutaz, op. cit., p. 36.

3   Coutaz, op. cit., p. 68.

4   Coutaz, op. cit., p. 68.

5   Coutaz, op. cit., p. 75-76.

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