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Systémique - Le sens et la portée des mots

Olivier Delacrétaz
La Nation n° 2287 5 septembre 2025

Quand M. Grégoire Junod a dénoncé publiquement le racisme systémique de la police, il exprimait, en tant que syndic, la position officielle des pouvoirs publics. C’était donc, en principe, sérieux, comme l’a prouvé la violence des réactions. Depuis, il a tenté de minimiser la portée de son accusation. Mais les mots ont un sens qui nous oblige. Le terme systémique signifie que les textes et les photos racistes ne sont que les indices d’un mal collectif plus profond. Systémique – on peut aussi dire structurel – cela veut dire que le système policier en tant que tel est raciste. Il l’est depuis longtemps et continue de l’être, les documents découverts en témoignent.

Insistons. Dans une perspective systémique, le corps de police est raciste indépendamment de ce que pensent et font les policiers actuellement en fonction. Que beaucoup d’entre eux ne se montrent racistes ni dans leurs paroles, ni dans leurs actes, ni dans leur usage des réseaux sociaux n’empêche pas qu’ils le soient à travers leur participation à une institution systémiquement raciste.

Les accusations s’enchaînent mécaniquement. On dénonce quelques policiers, puis la corporation tout entière, puis l’institution étatique dans son ensemble, dont la police constitue un rouage essentiel. L’Etat présente d’ailleurs la même structure hiérarchique, c’est-à-dire non égalitaire, contraignante, c’est-à-dire vouée à la domination, et inspirée des mêmes stéréotypes dépassés d’ordre dans les rues. En bout de chaîne, on en arrive à dénoncer le racisme systémique de l’ensemble de la population autochtone. C’est tout cela que signifie l’adjectif systémique utilisé par le syndic de Lausanne.

Nous exagérons? En janvier 2022, le «Groupe de travail d’experts de l’ONU sur les personnes d’ascendance africaine», après une promenade de quelques jours dans deux ou trois cantons, a dénoncé «l’omniprésence du racisme chez les Suisses». Omniprésent, systémique, c’est tout un. Ces accusations n’ont pas suscité la moindre réaction de la part du Conseil fédéral. Celui-ci a même chapeauté la publication d’une brochure du Service fédéral de lutte contre le racisme intitulée «Le racisme structurel en Suisse». L’existence du racisme systémique suisse devenait officiellement un fait indiscutable.

A terme, le racisme systémique sera une notion juridique qu’on pourra invoquer devant les tribunaux.

Le terme cent fois répété de racisme systémique introduit une division entre les autochtones, censés incarner le système et ses vices, et les habitants d’origine étrangère, en particulier africaine, transformés en victimes systémiques. Des deux côtés, on s’accuse, on manifeste, on revendique, les relations se tendent. Les liens d’estime et d’amitié se dissolvent dans le soupçon, les reproches inventés et les haines artificielles. Le processus naturel d’assimilation se bloque, et avec lui, un pan essentiel de notre politique des étrangers.

Il faudrait d’abord juger, de cas en cas, dans quelle mesure ces images et messages racistes expriment un racisme au premier degré, peu compatible avec la protection générale de l’ordre public, dans quelle mesure ils relèvent d’une provocation infantile à usage interne, dans quelle mesure enfin ils servent d’exutoire basique à une profession coincée entre l’exténuante répression du crime, la hiérarchie trop encline à laisser tomber ses troupes et les médias qui veulent du sensationnel.

Sur le fond, ensuite, toute approche systémique – car cela n’est pas vrai que pour le racisme – suppose à tous les étages une absence complète de liberté individuelle. Dans cette perspective totalitaire, chaque individu est entièrement défini par la fatalité, une fatalité raciste en l’occurrence. A titre individuel, il est incapable de s’y soustraire. Pour supprimer le racisme, il faut donc passer par une déconstruction générale du système.

En réalité, l’approche systémique n’est qu’une forme sournoise de généralisation abusive. La liberté de juger et d’agir, ou de réagir, existe bel et bien au niveau individuel, même si elle n’est pas toujours facile à prendre et à pratiquer. L’interview d’un agent de police lausannois «issu de la diversité» dans Le Matin Dimanche du 31 août le montre à l’évidence.

On pense pouvoir utiliser un terme simplement pour se dédouaner, et on entraîne toute l’institution, et avec elle la population qu’on est censé protéger, dans un engrenage mortifère.

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