Individu responsable ou consommateur?
Il y a quelque temps, une campagne d'affichage a été lancée à travers la Suisse, dénonçant l’Etat-nounou et ses interdictions trop intrusives ou moralisantes. Les affiches présentent à chaque fois une personne, lolette en bouche, tenue par une main sortant du cadre, et deux phrases: «Bientôt, les voitures en ville interdites? Stop aux restrictions inutiles de l’Etat.» – des variantes existent pour les bonbons, les affiches publicitaires et les steaks.1
Si l'on peut éprouver une certaine sympathie pour le combat affiché et partager certaines demandes spécifiques, il n'est pas inutile de s'arrêter sur le modèle qui se dégage en creux de cette campagne.
Car cette dernière peut bien vouloir défendre les citoyens responsables, elle ne les illustre pas tant. Une des déclarations mises en avant sur le site mentionne la possibilité pour les citoyens de modifier la Constitution, mais la campagne nous propose avant tout de nous décider individuellement et non en tant que communauté ou membre de cette dernière. Les réclamations ne concernent pas non plus la force des droits politiques des citoyens, mais simplement les droits individuels des consommateurs.
En effet, la campagne se concentre sur les désirs individuels, tous orientés vers la consommation, matérielle et mercantile. Les personnages des affiches veulent acheter ce qu'ils veulent et avoir de la publicité pour savoir ce qu'ils veulent acheter, car fondamentalement ils ne représentent que des consommateurs. D'ailleurs, s'ils critiquent les prescriptions officielles, les prescriptions marchandes et publicitaires semblent moins les déranger.
Citons aussi ce passage: «Les affiches publicitaires, les feux d'artifice, les cervelas, les cloches de vache et d'église font partie de notre société […]», étrange mélange de quelques éléments culturels à la limite du caricatural, où la pub est hissée au niveau des références religieuses.
Quant à la défense des adultes responsables, elle se fait avec peu ou prou le slogan «je ne veux pas de nounou, je veux des bonbons» – la frontière avec l'enfant capricieux est fine.
Enfin, une question plus profonde se pose, qui est de savoir si l'individu consommateur – car on parle plus de cela que d'un citoyen responsable – est réellement le plus à même de se passer d'une intervention trop tatillonne de l’Etat.
Notes:
1 Toutes les citations proviennent du site: https://pas-un-bebe.ch/
Au sommaire de cette même édition de La Nation:
- Responsabilité de la presse régionale – Editorial, Félicien Monnier
- Dans le courrier de la Présidente – Félicien Monnier
- Inondations aux mosaïques d’Orbe – Félicien Monnier
- La politique médiatique vue par M. Supino – Jean-François Cavin
- La commune: cheville ou pierre d’angle? – Yannick Escher
- Droit de vote des étrangers – Rédaction
- Il n’y a de médecine que générale – Olivier Delacrétaz
- La clause de sauvegarde – Olivier Klunge
- Pas envie – Jacques Perrin
- Hodler au bord du Léman – Jean-Baptiste Bless
- Un jeune qui s’engage pour nos valeurs – Le Coin du Ronchon