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Des logements, vite!

Olivier KlungeEditorial
La Nation n° 2284 25 juillet 2025

Une étude commandée par l’Office fédéral du développement territorial (ARE) et l’Office fédéral du logement (OFL)1 affirme que les principaux freins à la construction de nouveaux logements sont les oppositions et recours. Les 440 professionnels interrogés pointent en particulier «les oppositions et les recours dits abusifs qui servent à bloquer ou à retarder des projets de construction, voire à contraindre ou à faire chanter les maîtres d’ouvrage».

La demande de logements est influencée, d’une part, par l’immigration qui augmente le nombre d’habitants à loger et, d’autre part, par les évolutions sociétales (divorces et garde partagée des enfants, augmentation des célibataires ou couples informels à deux logements, télétravail) qui accroissent la surface occupée par personne. Du côté de l’offre, tant que la proposition de l’ASLOCA que l’Etat fixe un quota d’espace habitable par personne2 n’a pas encore été entérinée, c’est la construction qui permet l’augmentation des logements disponibles. La demande explosant ces dernières années, il serait logique que l’offre suive. Or on observe une diminution continue des constructions depuis plus de dix ans.3

Ce n’est certes pas l’attrait de l’immobilier pour les investisseurs qui en est la cause, les loyers ayant augmenté de 38% entre 2000 et 2024.4 Le subventionnement de logements, directement ou par le biais de facilités pour les coopératives d’habitation, soulage uniquement quelques privilégiés qui ont accès à ces logements. Une fixation des loyers par l’Etat n’aurait pas non plus d’influence sur la pénurie. Excessive, elle pourrait même l’accentuer en décourageant l’investissement dans les immeubles locatifs.

Si on n’agit pas sur la demande, la seule réponse à la pénurie est la construction de nouveaux logements. Comme le législateur entend, à raison, préserver les terres agricoles, les monuments et ensembles historiques et les zones de verdure, l’augmentation du nombre de logements disponibles est moins à chercher dans un assouplissement des règles d’aménagement du territoire que dans une accélération des procédures de construction.

Or, la procédure d’autorisation pour les nouveaux logements dure en moyenne 230 jours, soit 20% de plus qu’en 2015.5

 

Des solutions à envisager

Parmi les solutions prônées par l’étude de l’ARE et de l’OFL, nous citerons quelques pistes prometteuses s’agissant des permis de construire.

Sur une procédure d’autorisation de construire, le traitement par l’administration consomme le plus de temps. Alors que l’article 114 de la LATC vaudoise donne à la municipalité quarante jours dès le dépôt de la demande de permis pour l’octroyer ou le refuser, le délai est plutôt de six à neuf mois en pratique. La faute n’en revient pas uniquement aux communes, mais aussi aux différents services de l’Etat qui doivent se déterminer sur la demande (la «synthèse CAMAC»), le plus lent à répondre déterminant le rythme de la procédure.

Comme le délai légal est un délai d’ordre, son échéance n’a aucune conséquence. Il suffirait de fixer dans la loi un délai (qui devrait sans doute être étendu à trois ou quatre mois) au-delà duquel l’autorisation est accordée si l’autorité n’a pas statué. Pour la procédure de recours, il n’est pas rare que ce soit un des services cantonaux consultés par la Cour qui soit la partie la plus lente à se déterminer. Ici aussi, des délais fixes, y compris pour rendre un jugement une fois la procédure probatoire close, devraient s’imposer.

Cette accélération du travail administratif pose la question du renforcement des moyens financiers et humains. Une mise en œuvre de traitement informatique des dossiers et une approche moins tatillonne pour les cas courants en limiterait la portée. Cela dit, les émoluments en la matière sont déjà assez généreux.

Une autre voie est de permettre aux constructeurs de solliciter des décisions de principe contraignantes (sur l’implantation des bâtiments, la conservation ou non d’éléments architecturaux ou paysagers, l’affectation des surfaces, par exemple). Ces décisions devraient pouvoir être contestées jusqu’au Tribunal fédéral pour que leur dispositif ne puisse plus être remis en cause, ni par des voisins, ni par l’autorité. Une telle procédure en deux phases éviterait de monter de lourds dossiers énumérant tous les détails d’une construction qui passent à la poubelle en cas de rejet de la demande.

Faut-il restreindre les droits des voisins pour favoriser la construction face au réflexe «la densification oui, mais pas devant chez moi»? C’est le rêve de tout promoteur, mais une restriction des possibilités d’action diminuerait la confiance et donc l’assentiment de la population pour les nouvelles constructions et pourrait affecter la qualité de l’aménagement du territoire. En revanche, il serait légitime de limiter les possibilités d’opposition et de recours aux arguments concernant directement l’opposant, (légitimation spécifique au grief). C’est le cas en général en procédure administrative, alors que la jurisprudence en matière de construction admet aujourd’hui qu’un voisin puisse invoquer toutes les normes de droit ayant une incidence sur la situation de fait ou de droit. Par exemple, un voisin opposé à un balcon qu’il juge trop proche de sa fenêtre, bien qu’il soit réglementaire, peut plaider que les normes en matière de bruit seraient dépassées dans telle pièce du futur immeuble, ou que la sortie d’aération disposée à l’opposé de son logement dépasse un gabarit. Cette possibilité de soulever de multiples griefs rallonge la procédure sans tenir compte des intérêts concrets.

Face à la pénurie de logements et à l’augmentation consécutive des loyers, les autorités fédérales comme vaudoises ont récemment publié des études et des déclarations d’intention pour favoriser la construction. Il s’agit maintenant de passer de la parole aux actes rapidement. Comme souvent, les mesures les plus efficaces n’impliquent pas une refonte de notre Etat de droit ou de nos institutions, mais des adaptations ponctuelles, en particulier de la pratique administrative. Nos autorités cantonales ont toutes les cartes en main pour agir!

Notes:

1  Communiqué de presse du 01.07.2025.

2  Article d’Edgar Schuler, 24 heures du 09.06.2023.

3  Rapport du Conseil fédéral du 29.11.2022.

4  Ibid.

5  UBS, Real Estate Focus 2024.

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